L’expérimentation du certificat de projet de l’article 212 de la loi Climat et Résilience

14 mars 2022

EXTRAIT DE LA REVUE Opérations Immobilières mars 2022, n° 143

 

L’expérimentation du certificat de projet de l’article 212 de la loi Climat et Résilience

Issu d’un amendement parlementaire porté par le Sénat, l’article 212 de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 s’inscrit dans la poursuite de l’objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) à terme en prévoyant, à titre expérimental pour une durée de trois ans, un nouveau dispositif de certificat de projet devant offrir un cadre juridique sécurisé aux professionnels du secteur immobilier ainsi qu’aux financeurs engagés dans des opérations de recyclage de friches.

 Figurant en bonne place parmi les mesures incitatives au recyclage de friches, le recours à l’expérimentation du certificat de projet pourrait bien réussir à concilier deux objectifs, à première vue contradictoires, que sont le zéro artificialisation nette à l’horizon 2050, d’une part, et la relance de l’économie et le soutien à la production de logements, d’autre part.

En réalité, le certificat de projet trouve son origine dans le constat établi par l’Institut de financement des professionnels de l’immobilier (l’IFPImm), et notamment par sa commission aménagement, selon lequel, pour sécuriser le financement et l’investissement dans les projets immobiliers d’envergure en France, il est nécessaire que les acteurs concernés bénéficient d’un « statut administratif protégé » (voir encadré).

De l’ensemble de ces réflexions a ainsi pu émerger un dispositif expérimental dont l’ambition et les modalités de mise en œuvre s’inspirent à la fois du certificat d’urbanisme – auquel il emprunte l’effet cristallisateur – et du rescrit fiscal – en tant qu’il permet une validation des règles de procédures applicables au futur projet auprès d’une autorité administrative désignée à cet effet.

L’expérimentation de ce nouveau certificat de projet est rendue possible par l’article 212 de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021.

 

Champ d’application du certificat volontairement restreint

 Le champ d’application de ce nouveau dispositif se trouve triplement limité :

– Temporellement, à trois années dans le cadre d’un dispositif expérimental ;
– Géographiquement : il ne peut concerner que les projets intégralement situés au sein d’une friche répondant à la définition fournie par l’article 222 de la même loi (nouvel article L. 111-26 du Code de l’urbanisme) ;
– Matériellement : il n’est applicable qu’aux projets immobiliers portant sur la réhabilitation d’une friche existante et soumis, pour leur réalisation, à une ou plusieurs autorisations au titre du Code de l’urbanisme, du Code de l’environnement, du Code de la construction et de l’habitation, du Code rural et de la pêche maritime, du Code forestier, du Code du patrimoine, du Code du commerce et du Code minier.

 Le texte issu du travail parlementaire fait ainsi transparaître la volonté du législateur de concilier différentes préoccupations : cantonner ce nouveau dispositif aux projets immobiliers vertueux s’inscrivant dans la voie du ZAN en veillant au soutien de la croissance économique et de la production de logements, en répondant par la même occasion à la crainte de l’engorgement de l’administration formulée lors de l’expérimentation précédente du certificat de projet du Code de l’environnement1.

 

 Désignation d’un interlocuteur privilégié au sein de l’administration

 Les professionnels du secteur de l’immobilier sont alors en droit d’attendre de ce dispositif, pour les trois années à venir, un appui de l’administration dans la mise en œuvre de leurs projets de réhabilitation de friches existantes.

Cet appui se manifestera principalement par l’information donnée sur les procédures et autorisations administratives applicables au projet de réhabilitation envisagé ; le certificat de projet jouant alors un rôle informatif primordial pour les porteurs de projet dès le stade de l’engagement des études préalables.

Pourront ainsi être précisés les régimes, décisions et procédures applicables au projet à la date de la demande, y compris les obligations de participation du public, les conditions de recevabilité et de régularité du dossier et les autorités compétentes pour prendre les décisions ou délivrer les autorisations nécessaires, les délais réglementairement prévus pour l’intervention de ces décisions ou autorisations ou un calendrier d’instruction de ces décisions optimisé qui se substituera aux délais réglementairement prévus, et si nécessaire, les difficultés de nature technique ou juridique identifiées qui seraient susceptibles de faire obstacle à la réalisation du projet.

Au sein de l’administration, le porteur de projet bénéficiera d’un interlocuteur privilégié, le préfet de département, auquel seront confiées les missions d’instruction et de délivrance du certificat de projet au terme d’un processus de consultation de chaque autorité administrative compétente.

En effet, pour la réalisation de projets immobiliers complexes, nombre d’autorisations, avis ou accords doivent être recherchés auprès de diverses autorités administratives. Citons, entre autres, les autorisations d’urbanisme relevant de la compétence de principe du maire, les autorisations environnementales relevant, quant à elles, de la compétence de principe du préfet, l’avis de l’architecte des bâtiments de France lorsque le bien concerné est situé au sein d’un périmètre de site patrimonial remarquable, enfin, l’évolution du plan local d’urbanisme (PLU) par l’établissement public de coopération intercommunal compétent, ou à défaut par la commune.

Enfin, le porteur de projet, bénéficiaire du certificat de projet, se verra ainsi conférer des droits acquis au maintien des règles d’urbanisme à l’occasion du dépôt de toute demande d’autorisation d’urbanisme dans le délai de dix-huit mois suivant la délivrance dudit certificat.

Cette stabilisation des règles d’urbanisme est tou-tefois assortie de plusieurs exceptions nécessaires pour garantir le respect des engagements internatio-naux de la France et du droit de l’Union européenne ainsi que la préservation de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques. Par ailleurs, le porteur de projet pourra renoncer lui-même et à tout moment à l’effet cristallisateur de son certificat de projet.

 

Le certificat ne donne pas un blanc-seing sur la réalisation du futur projet

 En revanche, et au risque de décevoir certains praticiens, le certificat de projet n’est pas une « super » procédure administrative aux mains d’une autorité unique ayant vocation à supplanter l’ensemble des autorisations administratives requises pour la réalisation de projets de recyclage de friches.

Le certificat de projet ne prétend pas donner un blanc-seing au porteur de projet sur les conditions de réalisation de son opération future, celui-ci devant en effet, le moment venu, solliciter auprès de chaque autorité compétente l’autorisation administrative nécessaire, dans le calendrier de droit commun, sauf à avoir obtenu la validation d’un calendrier optimisé à l’occasion de la demande de certificat de projet.

Il ne prétend pas non plus jouer un rôle significatif en matière de contentieux des autorisations administratives, les voies de recours habituelles restant ouvertes dans les conditions fixées par les textes applicables à chaque procédure. Dans la pratique, nous constatons toutefois que les réformes législatives et réglementaires successives ont rendu de plus en plus rares les annulations pures et simples des autorisations d’urbanisme sans possibilité de régularisation par le juge administratif.2

 

L’expérimentation du certificat de projet, un outil résolument attractif pour les opérateurs immobiliers…

En somme, sur le papier, le certificat de projet cumule les mérites, ce que reconnaissent volontiers les professionnels de l’immobilier consultés dans le cadre d’un sondage organisé en marge du salon de l’immobilier d’entreprise (SIMI) de décembre dernier.3

Il se présente en effet comme un outil résolument attractif pour les futurs porteurs de projet de recyclage de friches en concourant, d’une part, à la réduction du risque juridique et financier inhérent à tout projet confronté aux « arcanes » de l’administration – les procédures étant nombreuses, complexes et le fonctionnement de l’administration trop souvent méconnu – et, d’autre part, à une relative stabilisation des règles applicables au projet, à tout le moins s’agissant des règles d’urbanisme.

 

…sous une double réserve

 L’objectif de garantir la faisabilité tant juridique qu’économique d’opérations immobilières de grande envergure et par la même de rassurer les principaux acteurs de ces projets et notamment les financeurs et investisseurs apparaît donc en passe d’être atteint, sous une double réserve.

Notons d’abord que l’expérimentation concrète du certificat du projet est suspendue à la parution d’un décret attendu dans les prochaines semaines devant en fixer les conditions d’application. Or, nous le savons, de la détermination plus ou moins souple de la procédure d’instruction et de délivrance du certificat de projet dépendront largement l’efficacité et la portée réelles du dispositif, notamment en matière de consultation et de coordination entre les différentes autorités compétentes, d’encadrement de la procédure et de fixation des délais d’instruction et de délivrance… À l’évidence, un fac-similé de la procédure corsetée de certificat de projet prévue actuellement par le Code de l’environnement n’aurait pas les effets escomptés pour les professionnels de l’immobilier.

Notons également qu’un allongement de la durée de cristallisation des règles d’urbanisme par voie législative à un délai plus en adéquation avec des opérations de grande envergure telles que le recyclage des friches apparaît nécessaire pour lui donner une véritable portée juridique. En effet, en comparaison, le certificat d’urbanisme informatif doté du même effet cristallisateur s’avère aujourd’hui plus pertinent car d’application plus aisée et plus large.

 Ophélie Bainville, Lab Cheuvreux

 

 Le certificat de projet : une expérimentation portée par l’IFPImm

Les raisons ayant conduit au recours à cette expérimentation sont ainsi très bien résumées par Olivier Colonna d’Istria, président de l’IFPImm, largement à l’initiative du certificat de projet.

En tant que financeur, nous faisons le constat depuis plusieurs années que, aux côtés des aménageurs publics traditionnels dont les ressources sont contingentées, les développeurs privés sont amenés à devoir programmer des opérations complexes issues de fonciers déjà artificialisés tel que des friches, des actifs obsolètes ou des quartiers de ville.

C’est en effet là que se développera demain l’immobilier nécessaire à la satisfaction des besoins des ménages et des activités, tout en répondant aux légitimes exigences de préservation de l’environnement et de l’acceptabilité de la densification immobilière.

Mais ces opérateurs peinent à trouver les financements nécessaires à ces typologies de projet, car dans la pratique actuelle des financements de projets immobiliers, les banques n’interviennent qu’à condition que les autorisations administratives soient obtenues et définitives.

Cette exigence s’explique par le fait que la valeur d’une garantie réelle ou assimilée sur un foncier est directement liée à sa constructibilité effective. Les études préalables constituent un actif immatériel non finançable tant qu’elles ne se concluent pas par une faisabilité administrative sécurisée.

Les banques et autres financeurs traditionnels ne peuvent donc pas prêter efficacement aux opérateurs les sommes nécessaires aux phases amont des projets qui sont de plus en plus longues et coûteuses en études.

Et, si elles le font, c’est avec un très faible levier, les protégeant d’un échec du montage administratif qui rend nulle (ou quasi nulle) la valeur de ces actifs réels ou immatériels ou encore d’un temps de portage de ce risque excessif entraînant un coût financier pénalisant pour l’équilibre et donc la qualité du projet.

Ces handicaps cumulés, auxquels s’ajoute la complexité opérationnelle des instructions préalables, font que trop peu d’opérations arrivent à maturité ou alors dans des délais trop longs face à l’urgence à construire ou au prix de surcoûts rendant les équilibres financiers insupportables.

C’est à partir de ce constat qu’une réflexion a été menée au sein de l’IFPImm, partant du principe que tout élément constituant une forme de sécurisation des processus menant à la délivrance finale des autorisations, et donc à la réalisation du projet, était de nature à renforcer la capacité des financeurs à prendre ces risques amont aux côtés des opérateurs.

L’étape franchie dans la loi Climat et Résilience par la décision d’expérimenter un certificat de projet offre aux acteurs engagés une marge d’intervention élargie, aux bénéfices nombreux :
– Le leveraging [« effet de levier »] de ces phases permettrait d’en développer un plus grand nombre à ressources constantes des opérateurs privés ;
– Le coût de ces études et de ces portages est parfois partagé avec des acteurs publics

(aménageurs ou collectivités) dont les ressources propres sont sous contrainte ; la prise en charge, via l’opérateur et son financement amont, viendraient détendre la pression budgétaire.

Au total, la ressource financière disponible rendue possible par ce type de financement en amont permettrait aux opérateurs de concentrer plus de valeur sur la qualité du projet que sur la levée des incertitudes des phases d’instruction.

Au moment où l’urgence à produire un immobilier en quantité et en qualité supérieures et où des ressources publiques ont été dégagées pour promouvoir la renaissance de ces friches, les potentialités ouvertes par cette expérimentation, pour peu que toutes les parties prenantes s’en saisissent, pourraient constituer un fort soutien à la relance de la construction et plus largement de l’économie.

Olivier Colonna d’Istria
Président de l’Institut de financement des professionnels de l’immobilier (IFPImm)

 

A retenir

– Le certificat de projet est un dispositif expérimental d’une durée de trois ans réservé aux projets immobiliers portant sur la réhabilitation de friches existantes qui sont soumis pour leur réalisation à une ou plusieurs procédures administratives.
– Le certificat de projet offre la possibilité aux porteurs de projet d’obtenir, dès le stade des études préalables, auprès d’un interlocuteur unique, à savoir le préfet de département, des précisions sur les régimes, décisions et procédures administratives applicables à son projet de réhabilitation ainsi que les délais et potentielles difficultés juridiques d’ores et déjà identifiées. Son bénéficiaire pourra également bénéficier de la cristallisation des règles d’urbanisme pendant une durée de dix-huit mois à compter de la délivrance du certificat.
– L’attrait du certificat de projet en matière de sécurisation juridique des projets de recyclage de friches reste néanmoins sous-tendu par la parution imminente d’un décret devant en déterminer les conditions d’application plus ou moins souples.

 

1 Rapport ministériel de décembre 2015 « Évaluation des expérimentations de simplification en faveur des entreprises dans le domaine environnemental » portant sur l’expérimentation du certificat de projet engagée sur le fondement de la loi no 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises et de l’ordonnance no 2014-356 du 20 mars 2014, complétée par le décret no 2014-358 du 20 mars 2014, relatifs à l’expérimentation d’un certificat de projet.

2 Ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ; décret no 2013-879 du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme ; puis les propositions du rapport rendu public en janvier 2018 par Mme Maugüé, conseillère d’État, reprises en grande partie par le décret no 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme ; loi 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. 

3 Sondage réalisé par Madeinvote à l’occasion de la conférence organisée par l’Étude Cheuvreux en collaboration avec l’IFPImm sur le thème «Le certificat de projet comme outil de sécurisation des projets de recyclage foncier» le 9 décembre 2021.v

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